Légende photo : Talus du TGV à Tavel, Gard (30) - Conception Agence Paysages Avignon - Réalisation Opus Patrimonio - © Claire Cornu
La technique de construction à pierre sèche consiste à agencer des moellons de pierre-tout-venant sans aucun mortier ni liant, ni terre, pour réaliser un ouvrage.
C’est un système constructif non industrialisable qui utilise la pierre locale, matériau naturel, sain, de réemploi ou issu des carrières de proximité, voire une pierre ramassée, d'épierrage des champs ou pierre de découverte (selon la géologie des sols, on peut récolter en surface des pierres altérées dits matériaux de découverte).
Pour faire écho aux matériaux biosourcés, la pierre entre dans la catégorie des matériaux géo sourcés, matériau premier (c'est à dire un matériau utilisé "brut" pas ou peu transformé) qui entre dans une démarche de valorisation des ressources du territoire, en économie circulaire, d'où un impact écologique moindre.
C'est une pratique universelle et intemporelle qui requiert un réel savoir-faire fondé sur la maîtrise du choix et de l'appareillage des pierres ainsi que le juste dimensionnement des profils des ouvrages qui garantissent leur tenue et leur stabilité dans le temps. Cette mise en oeuvre exige une grande rigueur. Elle ne s’improvise pas.
Les Règles de l'Art "Guide de bonnes pratiques de construction de mur de soutènement en pierre sèche" décrivent la mise en oeuvre spécifique des ouvrages et les Règles professionnelles complètent les abaques de calculs de dimensionnement des profils d'ouvrages.
Le métier est celui de murailler.
Il existe actuellement deux systèmes de diplômes nationalement reconnus par France Compétences :
Ce savoir-faire de murailler et cette technique de maçonnerie en pierre sèche bénéficient à ce jour de 4 reconnaissances = 2 nationales + 2 internationales fruits d'une démarche de filière née en Vaucluse, dynamique d'un collectif de professionnels de différentes disciplines et de différents départements, qui fut coordonnée par la Chambre de métiers et de l'artisanat (membre co-fondateur de la FFPPS) entre 1999 et 2017.
Légende photo : Claire Cornu au Conseil de l'Europe - Didier Respaud-Bouny
Attention: par méconnaissance, ce terme "pierre sèche" est souvent employé à tort. Distinguer pierre sèche et pierre hourdée posée à joints vifs (ou pierre discrètement jointoyée).
"Un ouvrage en pierre sèche, de par l'agencement particulier des pierres et le frottement existant des pierres entre elles, ne nécessite aucun liant pour assurer sa stabilité." Eric Vincens , Professeur à l'Ecole Centrale de Lyon, chercheur au Laboratoire de tribologie et de dynamique des systèmes (LTDS-G8)
" Pour un mur de soutènement, les capacités d'élasticité et de drainage des maçonneries en pierre sèche les rendent plus efficaces que le béton... Un mur en pierre sèche c'est un seul matériau : la pierre. Le reste c'est du vide. " Denis Garnier, chercheur-enseignant, Laboratoire Navier de l'Ecole des Ponts Paris Tech.
"On verse pas les pierres pour remplir le mur, on les cale. On doit pouvoir marcher sur chaque lit de construction du mur sans qu'aucune pierre ne bouge car les pierres sont calées sur au moins 3 points de contact et croisées dans les 3 dimensions: dans l'épaisseur, dans la hauteur et dans la longueur du mur... Pour un soutènement, il y a 2 parements plus le drainage car ce n'est pas le talus qui tient le mur, c'est le mur qui soutient le talus !...Réparer une brêche c'est comme repriser une chaussette: on va chercher la partie solide et saine du mur pour s'y raccrocher" Paul Arnault, membre d'honneur FFPPS, Président fondateur de la FFPPS.
" C'est avec beaucoup de tendresse qu'on pose la pierre sur le lit en attente et on ne la taille jamais sur le mur pour éviter les vibrations" Matthieu Collot, artisan murailler dans les Alpes de Haute Provence (04)
Quelques définitions extraites du dictionnaire de l’architecture de Jean-Marie Pérouse de Montclos, Edition du patrimoine, Centre des monuments nationaux.
Maçonnerie de moellons bruts ou ébauchés posés sans mortier.
Pierre de petite dimension, non taillée ou partiellement taillée.
Le moellon brut n’est pas taillé ou seulement ébousiné (Bousin = croute tendre du calcaire sortant de carrière).
Le moellon ébauché a reçu grossièrement une forme convenant à la place qu’il doit occuper.
Le moellon équarri a reçu la forme d’un parallélépipède. Il ne se distingue de la pierre de taille que par le fait que les pans de sa queue ne sont pas parfaitement plats. Pierre de taille = pierre dont la queue présente des pans dressés et des arêtes vives donnant des joints rectilignes au parement de la maçonnerie. La tête de la pierre est elle-même généralement dressée, mais elle peut rester brute pour produire des effets décoratifs : les bossages.
Maçonnerie formée d’éléments posés et non jetés.
Composition d’éléments de grosseur variable et de forme irrégulière, mais taillés en vue de la pose.
Composition de moellons équarris posés à sec.
Rang d’éléments de même hauteur, posés de niveau ou rampants.
Appareil à un seul parement couvrant une fourrure ou un talus.
Espace entre deux éléments, généralement rempli de mortier.
Faire les joints de mortier.
"...il m’a fallu combattre les préjugés qui dénigrent cette technique. Cela n’a jamais été facile de faire passer mes devis dès lors qu’ils mentionnaient la vraie pierre sèche. Mais je me suis obstiné autant que faire se peut, et même pour des marchés publics. Je me souviens avoir du m’incliner devant la décision d’un ingénieur routier responsable des travaux du soutènement à l’entrée même d’un village : Au nom de sa responsabilité, le béton a été choisi. Bien sûr, un béton à l’aspect pierre sèche, mais cela n’a rien de comparable avec la pure tradition de la maçonnerie de pierre sèche...
j’ai obtenu la confiance de certains maîtres d’œuvre comme Didier REPPELIN, Architecte en Chef des Monuments Historiques (ACMH) pour la restauration de la plateforme du Prieuré St Hilaire à Ménerbes (84), comme également l’Agence Paysages pour l’aménagement d’un talus de la ligne TGV Méditerranée à Tavel (30) en 2000. Un gros chantier que celui du TGV. Qu’à cela ne tienne, il ne fallait pas laisser passer une si belle occasion de prouver que la pierre sèche est actuelle ! J’ai embauché et formé plusieurs gars qui étaient tous plus ou moins déjà passé par l’APARE...
Lors de ce chantier, je me souviens de la confrontation avec les ingénieurs SNCF parce qu’ils méconnaissaient cette technique qui ne s’apprend pas dans leur école et qui, à l’époque, n’avait pas d’écrit. Or vous savez combien nos assurances professionnelles imposent d’exécuter les travaux selon des techniques certifiées. Le fait que la pierre sèche soit une technique ancestrale, approuvée par des siècles de pratique et des ouvrages encore debout, ne remet nullement en cause cette exigence." Paul Arnault, artisan Président fondateur de la FFPPS.
« La qualité de l’assemblage d’un mur de pierres sèches fait sa solidité, sa beauté et sa durabilité. Cela vaut aussi pour un mur de pierres recourant à un liant. Ces savoir-faire sont à réintégrer dans toute activité de maçonnerie. Le murailler requalifie le travail du maçon. ». Paul Kalcq, sociologue chercheur au Centre nationale d'études et de recherche sur la qualification (Céreq)
" Un maçon qui sait construire à pierre sèche sait construire tous les murs". Paul Arnault, artisan Président fondateur de la FFPPS
"La pratique de la pierre sèche est ancienne, probablement aussi ancienne que l’histoire de l’homme depuis qu’il s’est doté d’outils. ... Il s’était développé un savoir-faire génial, parce qu'adapté aux besoins des hommes en respect des ressources et intégré au paysage. Le développement effréné suite à l’industrialisation nous a fait perdre des pans entiers de savoir-faire. Aujourd’hui, le besoin d’authenticité nous invite à revenir à ces techniques un peu trop vite mise à l’écart car la force de ces murs, souples et drainants, c’est leur contribution à lutter contre l'érosion et les inondations et leur capacité à gérer l’eau des bassins versants. C'est pourquoi les cabanes en pierre sèche ne sont ma préoccupation principale. Certes, elles sont notre patrimoine et je les aime pour cela, et je félicite toutes ces associations bénévoles qui font de leur mieux, chacune sur leur territoire, pour les inventorier, les restaurer, les faire découvrir aux autres. Cependant elles appartiennent au « folklore » alors que les murs sont pertinents pour notre environnement. Ils participent à notre cadre de vie et contribuent à ce fameux concept de développement durable qui a pris de l'importance en 2003 dont ils puisent là tous les paramètres qui entrent dans sa définition : culturel, social, économique et environnemental. A mes yeux, le droit pour chacun de vivre dans un environnement préservé est l’étape fondamentale pour notre développement. " interview de Claire Cornu, architecte-urbaniste Chargée de développement territorial à la Chambre de métiers et de l'artisanat de Vaucluse, par Guy Martin pour Pierre Actual 2005.